Après le ROF puis la FNOF, nous avons sollicité l’Association des Optométristes de France (AOF). Yannick Dyant, son président, livre sa vision des enjeux qui attendent la filière à court et moyen terme.

Fréquence Optic : Comment les membres de l’AOF vivent-ils cette rentrée si spéciale ?

Yannick Dyant : L’ambiance est évidemment particulière pour tout le monde. Le profil de nos adhérents étant très varié, entre ceux qui travaillent en magasins, ceux qui pratiquent en cabinets et ceux qui évoluent dans l’industrie, il n’est pas facile de généraliser. Disons que l’activité des uns et des autres a repris progressivement depuis le déconfinement. Dans les points de vente, le rythme a été parfois très soutenu dans les trois mois post-confinement. Un ralentissement semble toutefois en train de s’opérer sur le marché, qui renoue apparemment avec un rythme plus normal.

Pour ceux des opticiens-optométristes qui évoluent en boutiques, avez-vous connaissance de situations de grande fragilité économique ?

Je n’ai pas eu de remontées terrain en ce sens. Et d’ailleurs cela me paraît trop tôt pour mesurer l’impact réel de la crise sur les entreprises. L’effet ‘rattrapage’ a permis pour certain un rapide rééquilibrage des pertes. Toute la question est de savoir si ce rebond sera durable. Comme je l’ai dit, on observe en ce moment un ralentissement du marché. Le manque de prescriptions n’est sans doute pas étranger, d’ailleurs, à cette décélération de l’activité…

Les prescriptions justement, parlons-en. Le SNOF estime qu’il n’y a pas de pénurie…

Cette affirmation est discutable, la réalité du terrain montrant le contraire. Les cabinets d’ophtalmologie ne sont pas en mesure de produire des ordonnances comme avant le confinement. Et ce parce qu’ils ont souvent réorienter leurs activités sur la chirurgie ou le suivi des pathologies lourdes, en raison du retard généré par le confinement. Cette priorisation a mécaniquement des conséquences sur l’émission de nouvelles ordonnances. En fait, c’est la situation d’avant confinement qui s’est logiquement accentuée : les régions les mieux dotées en matière d’accès à l’ophtalmologie arrivent relativement à faire face, mais pour les autres…

Que retenez-vous du rapport IGAS qui vient de paraître ?

Sans surprise, la reconnaissance d’une quatrième profession, celle d’optométriste, n’est pas à l’ordre du jour. Ça, on s’en doutait déjà. Pour le reste, il y a des éléments positifs et la filière doit travailler en commun pour qu’il y ait maintenant une concrétisation. Réingénierie du diplôme de l’opticien, refonte de la formation (et notamment ce tronc commun avec les orthoptistes), reconnaissance des opticiens en milieu médical, télémédecine et pratiques avancées…, ces points sont pertinents et méritent une mise en œuvre rapide. N’oublions pas qu’au-delà des visions corporatistes légitimes des uns et des autres, ce sont les Français qui attendent un meilleur accès aux soins visuels. Là-dessus, le rapport est formel : les solutions mises en place jusque-là, à savoir principalement le travail aidé en cabinet, arrivent à bout de souffle. Les délais d’attente sont toujours là et si on ne fait rien, la mission IGAS en est consciente, la situation ne s’améliorera certainement pas dans les 10 ou 15 ans. On ne peut plus se contenter de demi-mesures et d’évolutions timides.

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