Interview d'André Balbi, président du Rassemblement des opticiens de France (ROF), qui passe en revue les sujets-clés de la rentrée.

Fréquence Optic : Dans quel état d’esprit êtes-vous en cette rentrée pour le moins particulière ?

André Balbi : Je tiens d’abord à dire que les ministres de l’Économie et de la Santé ont écrit ensemble aux syndicats pour saluer l’exemplarité du service minimum d’urgence mis en place par la profession pendant le confinement. C’est une forme de reconnaissance dont les opticiens peuvent s’enorgueillir… Pour répondre à votre question, nous sommes rassurés de voir que les gens sont revenus en magasins dès le déconfinement. Le protocole sanitaire que nous avons mis en place avec les autres organisations syndicales fonctionne pleinement. Suite à des échanges avec la DGT, il pourra continuer à être utilisé en parallèle du protocole national publié par le ministère du Travail. Si nécessaire, en fonction des niveaux d’alerte régionaux concernant la propagation du virus, il doit être renforcé. C’est donc d’abord la vigilance qui doit être de mise face à une éventuelle seconde vague. Sur ce point, nos confrères doivent anticiper la fin, début octobre, de la distribution des masques par l’État. Je retiens en effet de la première vague qu’elle a été une gestion de la pénurie d’équipements de protection. Cela ne doit pas se reproduire si la situation épidémique venait à s’aggraver. Chacun doit prendre ses précautions dès maintenant et constituer des réserves optimales. Il faut avoir en tête la recommandation gouvernementale de 10 semaines de stock d’avance.

S’agissant de la reprise du marché, diriez-vous qu’elle est solide ?

On a le sentiment que la reprise a été meilleure que prévu. Pour autant, l’euphorie post-confinement ne doit pas cacher une prévisible baisse du marché sur l’année. Je pense qu’il faut attendre un an au moins pour voir le réel impact de la crise du Covid-19 sur notre secteur. Ce qui mérite toute notre attention désormais, c’est la tension sur les prescriptions. Certes on a observé un taux de renouvellement plus important sur les ordonnances en cours de validité, mais ces adaptations ne pourront pas, sur la durée, compenser le manque des 5 millions de prescriptions non émises pendant le confinement. Réjouissons-nous tout de même de traverser une relative embellie après une période d’inactivité totale, au point mort.

Sur ce sujet des ordonnances, attendez-vous des mesures dérogatoires ?
 
Selon nous c’était une piste à privilégier, en effet, mais il ne semble pas à ce stade qu’on aille dans cette direction. Pour savoir ce que les décideurs publics pourraient concrètement faire à court terme, nous attendons avec impatience la prochaine publication du rapport IGAS, ce mois-ci normalement, nous l’espérons en tout cas. Il devait nous être dévoilé en avril mais le Covid est passé par là… Ce qui est sûr, c’est que les opticiens ont tenu leurs engagements - sur la réforme 100 % Santé et sur le dispositif d’urgence en pleine crise - et il est souhaitable aujourd’hui de voir leurs rôles se renforcer. La profession a de sérieux atouts, à commencer par la densité de son maillage, pour réduire la tension sur l’accès aux soins visuels ; les responsables politiques doivent maintenant en tenir compte.

La CNIL a récemment pris position sur la transmission des codes LLP aux Ocam. Et maintenant ?

Maintenant il est temps de remettre sur la table la question du périmètre des données échangées : ce à quoi les Ocam peuvent avoir accès et ce qui doit être sanctuarisé. Nous entrons dans une séquence de dialogue avec les différentes familles d’Ocam. Un premier rendez-vous a d’ailleurs eu lieu il y a deux jours. Cette discussion doit permettre de déterminer de nouvelles formes d’échanges entre les mutuelles et la profession. Les opticiens attendent plus de fluidité mais aussi un respect des données de santé de chacun.

Pour finir, qu’en est-il de l’application de la réforme 100 % Santé que la crise sanitaire a totalement éclipsée ?

Comme je l’ai dit, les opticiens ont parfaitement tenu leurs engagements en la matière. À l’État désormais de tenir les siens. Le 100 % Santé est entré en vigueur et nous attendons toujours des avancées sur le tiers-payant intégral dans et hors réseaux de soins, chantier sur lequel on nous avait pourtant promis de rapides évolutions. On ne manquera évidemment pas d’aborder ce sujet, capital à nos yeux, lors de la prochaine réunion du comité de suivi de la réforme, mi-septembre. Le ministre de la Santé Olivier Véran sera d’ailleurs présent à cette occasion. Pour revenir au tiers-payant, s’il ne s’applique pas de façon généralisée, alors la réforme perdrait une bonne partie de son sens. Rappelons tout de même, si besoin était, qu’elle est censée avoir une vocation sociale. C’est en tout cas ainsi que l’exécutif l’a vendue aux partenaires sociaux… Il me semble notamment que les adhérents de la Mutualité Française devraient, sur cette question du tiers-payant, montrer l’exemple puisqu’elle revendique un rôle social. Or, sur le terrain, ce n’est pas le cas, y compris parmi les plus importantes mutuelles. 

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