Questionné sur la pertinence de faire appel aux optométristes dans la prise en charge grandissante des soins visuels, le ministère de la Santé semble se montrer ouvert.

La réorganisation de la filière visuelle engagée ces dernières années suffira-t-elle pour faire face à la pénurie programmée d’ophtalmologistes ? Rachel Mazuir en doute. À travers une question écrite au gouvernement, ce sénateur de l’Ain a interrogé il y a plusieurs mois déjà le ministère de la Santé sur le rôle que pourrait jouer les optométristes. La ministre Agnès Buzyn a répondu il y a quelques jours seulement, le 12 juillet, dans le Journal Officiel. « Si la loi prévoit que les ophtalmologistes peuvent déléguer à un orthoptiste, salarié ou libéral, les renouvellements de lunettes et lentilles pour les cas les plus simples (personnes âgées de 6 à 50 ans sans problème de santé), rien n'est prévu pour les optométristes. Or, formés à bac + 5, les optométristes sont compétents pour diagnostiquer la correction et pour dépister les pathologies de la vision. Cependant, l'optométrie n'est pas une spécialité reconnue en France, alors qu'elle l'est dans de nombreux pays. L'optométriste est ainsi prescripteur en Grande-Bretagne, en Allemagne, aux Pays-Bas ou en Suisse », fait remarquer l’élu socialiste. Et de suggérer que « la reconnaissance encadrée de cette profession (avec pourquoi pas, la création d'un ordre professionnel et d'un numerus clausus, etc.) pourrait permettre d'améliorer l'accès aux soins des Français, en ramenant les délais d'attente à une temporalité raisonnable ».

En réponse, le ministère n’a pas affiché une position tranchée mais semble se montrer ouvert à toutes les options : « Deux professions de santé interviennent d'ores et déjà dans le champ de la prise en charge visuelle de la population en complément des ophtalmologistes : les orthoptistes et les opticiens-lunetiers dont le périmètre de compétence est en évolution. Les opticiens-lunetiers ont été autorisés, dans le cadre du renouvellement des verres correcteurs, à adapter l'ordonnance médicale initiale de l'ophtalmologiste. Le décret du 7 décembre 2016 relatif 'à la définition des actes d'orthoptie et aux modalités d'exercice de la profession d'orthoptiste' élargit et complète le champ des actes relevant de la compétence des orthoptistes. Il introduit la notion de protocoles organisationnels permettant ainsi une collaboration renforcée avec les ophtalmologistes. De plus, la réingénierie de la formation des orthoptistes a été menée à bien et le nouveau diplôme, reconnu au niveau licence, permet de former des professionnels aux compétences élargies. Enfin, dans le cadre de l'article 51 de la loi n°  2009-879 du 21 juillet 2009, portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, de nombreux protocoles de coopération organisent un transfert d'activités entre les ophtalmologistes, les orthoptistes et les opticiens-lunetiers. Une évaluation devra permettre de juger si ces évolutions permettent d'assurer une prise en charge de qualité dans des délais compatibles avec l'état de santé de nos concitoyens ou si demeurent des besoins de santé non couverts, susceptibles de faire appel à de nouveaux métiers, comme la profession d'optométriste qui est reconnue aux États-Unis et dans d'autres pays européens. » C’est évidemment cette dernière partie de la réponse du ministère qui laisse espérer aux optométristes un possible changement, à terme, de leur situation.

Yannick Dyant, le président de l’Association des Optométristes de France, voit-il dans ces déclarations gouvernementales un signe d’ouverture crédible ? Nous lui avons posé la question et il répond prudemment : « Ce signe positif est évidement intéressant. Le gouvernement constate qu’il y a bien une problématique d’accès aux soins et les solutions mises en place sont, de notre point de vue, toujours insuffisantes. Si le travail aidé en cabinet (quand les ophtalmos sont secondés par des orthoptistes_ndlr) a toute sa place et si la montée en compétences des opticiens est nécessaire, l’optométrie pourrait quant à elle idéalement compléter ce dispositif. Il ne doit pas y avoir d’exclusive dans le déploiement des solutions. Les options sont multiples et l’optométrie est l’une d’elles ». 

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