Sollicitées par notre rédaction, les organisations représentatives d’opticiens et/ou d’optométristes donnent successivement leur point de vue, entre constats et préconisations, sur la question de la réduction des délais d’attente en ophtalmologie. Après la FNOF hier, c’est au tour du Rassemblement des Opticiens de France de prendre la parole.

En 2017, le Syndicat national des ophtalmologistes de France avait lancé l’opération baptisée « Objectif zéro délai en 2022 ». Il s’agissait, en cinq ans, de réduire les délais de rendez-vous dans les cabinets. À l’époque, il fallait attendre 100 jours en moyenne pour décrocher une consultation. Le syndicat considère que les mesures qu’il a défendues auprès des pouvoirs publics commencent à porter leurs fruits. Selon ses estimations, le développement du travail aidé et la délégation des tâches auraient permis une baisse moyenne de 33 jours des délais de rendez-vous. Et pour accentuer cette dynamique, le syndicat a présenté fin mai un nouveau plan d’action pour en finir avec les zones médicalement sous-dotées à l’horizon des cinq ans, notamment en soutenant le développement des cabinets secondaires. Et les organisations d’opticiens et/ou d’optométristes, quel regard portent-elles sur cet « Objectif zéro délai » ? Depuis hier, nous donnons successivement la parole à la Fédération nationale des opticiens de France (FNOF), au Rassemblement des opticiens de France (ROF), au Syndicat des opticiens mutualistes (SYNOM) ainsi qu’à l’Association des Optométristes de France (AOF). Après la FNOF hier, c’est donc au tour du Rassemblement des Opticiens de France de prendre la parole à travers son président, André Balbi :

« La tension sur l’accès aux soins visuels s’est encore aggravée depuis 2018, touchant désormais 25 millions d’habitants dans 49 départements, malgré les réformes entreprises ces dernières années. En dépit de l’installation de 250 nouveaux médecins par an depuis 2018, la densité d’ophtalmologistes s’est encore dégradée dans 411 des 2644 "Territoires vie santé (TVS)" entre 2016 et 2020. La situation ne s’est améliorée que dans 267 TVS, tandis que 1613 d’entre eux n’ont aucun ophtalmologiste installé (61 % de l’ensemble des TVS). Selon la CARMF (Caisse autonome de retraite des médecins de France_ndlr), 1110 ophtalmologistes libéraux ont aujourd’hui plus de… 65 ans. Mais le pire est à venir puisque la tranche des 60-65 ans compte 1147 médecins. Ce sont donc 2257 ophtalmologistes libéraux - soit 47 % de l’effectif ! – qui vont partir en retraite d’ici 5 à 7 ans.

Le renfort de 2000 orthoptistes en dix ans et le développement du travail aidé n’ont pas permis de renverser cette évolution, en raison de l’augmentation des besoins visuels et du fait, statistiquement établi, que les orthoptistes sont très majoritairement établis là où exercent les ophtalmologistes. De l’aveu même du SNOF, "les orthoptistes ont une moins bonne répartition territoriale que les ophtalmologistes". Donc un territoire sans ophtalmologistes sera souvent un territoire sans orthoptistes. Selon une étude réalisée par le ROF, sans une réelle réforme ambitieuse, dans cinq ans le nombre de départements ayant une densité d’ophtalmologistes inférieure à 7 pour 100 000 habitants (seuil de territoires sous denses) passera de 49 à 73, regroupant près 38 millions de personnes !

L’analyse des évolutions démographiques et géographiques montre très clairement que toute politique publique fondée sur la seule évolution du nombre d’ophtalmologistes et du recours au travail aidé des orthoptistes sera inefficace pour répondre aux besoins de la population avant 15 à 20 ans. Malheureusement pour les patients, les propositions du SNOF s’appuient essentiellement sur… les moyens existants. C’est-à-dire les ophtalmologistes et les orthoptistes salariés, via des dispositifs d’incitation à l’installation et/ou au développement sur des territoires en forte pénurie. Tout ceci à grands coups d’incitations couteuses pour l’État, forcément lentes à mettre en place, et sans garantie d’efficacité, comme on l’a vu avec les mesures concernant les généralistes.

Les opticiens, qui maillent parfaitement le territoire national en étant notamment présents dans les déserts médicaux, sont aptes et prêts à assurer de nouvelles tâches pour soulager les ophtalmologistes et réduire les délais d’attente. Au lieu de dépenser des millions de fonds publics sans efficacité certaine et de concurrencer les hôpitaux dans l’embauche d’infirmières, le ROF appelle le Ministère de la Santé à dépasser les visions de l’ancien monde et à innover dans les réponses à apporter aux besoins visuels des Français. »

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