« Depuis vingt ans, la France est le pays qui a connu le plus fort recul de son industrie au sein de la zone euro », écrivait Les Échos du 7 août 2021.

« Depuis vingt ans, la France est le pays qui a connu le plus fort recul de son industrie au sein de la zone euro », écrivait Les Échos du 7 août 2021. Si les pays d'Europe centrale restent le « cœur industriel » de l'UE, l'Allemagne tient la tête avec une industrie qui pèse 25,5 % de son PIB marchand, suivie par l'Italie à 19,7 %, quand la France stagne à 13,4 % dont 11 % pour son industrie manufacturière. Ce qui a pour conséquence un déficit structurel abyssal de ses échanges extérieurs en biens manufacturiers : un plus bas historique de 84,7 milliards d'euros en 2021 ! Avec une politique volontariste (notamment en réduisant l’impôt de production, le prélèvement le plus bête du monde), Emmanuel Macron a freiné la désindustrialisation et il a engagé un Plan de relance encourageant : le baromètre de l'implantation d'entreprises du cabinet Ancoris a recensé 1 200 projets industriels tous secteurs confondus en 2021, avec cependant un bémol, seulement 20 % concernent des projets à plus de 50 emplois. Bien qu’elle soit considérée comme un pays attractif par les investisseurs, la France n’accueille pas ou très peu d’usines d’envergure. La faute à une rareté des compétences technologiques et scientifiques, au niveau de gamme des produits à trop faible valeur ajoutée, à des contraintes administratives étouffantes, à des lois du travail toujours rigides, à un climat social fluctuant…

Le secteur de la lunetterie est le reflet de cette situation et incarne cette France des ateliers, et pas une France des usines capables de répondre aux enjeux actuels et futurs. Les sous-traitants français de lunettes, de plus en plus sollicités par des marques qui cherchent à se tourner vers une production locale, connaissent en effet des tensions sur leurs lignes de fabrication limitées, avec pour conséquence des délais de livraison intenables. L’industrie lunetière française est très largement sous-dimensionnée, par manque d’investissements pour moderniser son outil de production et de motivation pour s’engager dans une relocalisation de stature internationale. À l’inverse de nos voisins italiens qui ont su capter plus de 80 % des marques haut de gamme grâce à de véritables usines avec des milliers de collaborateurs détenteurs d’un savoir-faire régénéré. Portée par les géants du luxe (Thelios, Kering Eyewear, EssilorLuxottica…) qui investissent lourdement en personnels, technologies et machines, l’Italie demeure de loin le deuxième producteur mondial de lunettes derrière la Chine. La France pourrait-elle (un peu) rattraper son retard ? Certains lunetiers français veulent croire à une nouvelle dynamique industrielle : la société Morel par exemple, implantée dans le Jura depuis 1880, a décidé de réinvestir dans son outil de production, une façon d’affirmer son indépendance face aux sous-traitants et de soutenir cette France des ateliers qui devra néanmoins sortir de son alanguissement délétère et de son folklore régionaliste pour retrouver le goût et l’ambition de bâtir des usines taillées pour (re)conquérir le monde.

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