Une étude menée par le syndicat des ophtalmologistes met en lumière des insuffisances en matière de retour d’information de la part des opticiens dans le cadre du renouvellement des lunettes, autorisé depuis 2007.

Président du SNOF, le Dr Thierry Bour résume l’enquête réalisée par son syndicat auprès de plus de 700 de ses confrères : « Le renouvellement des verres correcteurs par les opticiens est une solution pertinente pour réduire les délais de délivrance des équipements optiques à condition que son cadre soit respecté. Le retour d’information vers l’ophtalmologiste est obligatoire, mais l’étude nous montre que plus de 8 opticiens sur 10 ne s’acquitteraient pas de cette obligation, alors qu’elle est essentielle dans l’intérêt de la santé du patient. Le taux d’adaptation chez l’opticien devrait augmenter à partir de 2020 dans le cadre de la réforme 100 % santé. Nous serons donc attentifs à ce que cette réforme 100 % santé s’accompagne de mesures efficaces afin de rendre effective la transmission des données des adaptations des opticiens. Nous invitons les opticiens à prendre leurs responsabilités. » Rappelons, si besoin était, que depuis 2007 la profession est autorisée à renouveler et adapter les verres correcteurs à partir d’une ordonnance médicale initiale. Aujourd’hui, 15 % des lunettes seraient renouvelées directement chez l’opticien, et 20 % seraient adaptées par lui au plan réfractif. Les résultats de cette étude menée en avril montrent que la grande majorité des ophtalmologistes (81 %) est favorable au renouvellement des lunettes chez l’opticien. Étude qui révèle dans le même temps - et c’est là que le bât blesse pour le SNOF - que plus de 80 % des opticiens, d’après les sondés, « ne s’acquittent pas ou rarement de l’obligation d’information au prescripteur lors d’un renouvellement de verres correcteurs avec adaptation ». Pour le syndicat, cette situation traduit un « manque de coordination qui nuit au suivi médical des patients et que les ophtalmologistes déplorent. »
 
Cette étude fait aussi et surtout un sort à l’idée selon laquelle beaucoup de médecins s’opposeraient au renouvellement des équipements en magasins. C’est même tout l’inverse, apparemment : « Les oppositions au renouvellement chez l’opticien, inscrites sur l’ordonnance, sont peu fréquentes, souligne le syndicat, en indiquant que 95 % des ophtalmologistes n’indiquent jamais la mention ‘non renouvelable’, sauf si l’état clinique du patient le justifie ». Façon de dire que les ophtalmologistes adhèrent massivement à ce dispositif de délégation pour autant, donc, qu’il soit complètement « sécurisé ». La publication de cette étude par le SNOF sonne ainsi comme un rappel à la règlementation : « Les ophtalmologistes tiennent particulièrement au retour d’information (de la part des opticiens) et 76 % d’entre eux consignent systématiquement cette information quand elle existe. Ce déficit d’échange de la part des opticiens peut expliquer que 60 % des ophtalmologistes ne souhaitent pas l’augmentation du taux de renouvellement et jugent à 42 % que les opticiens sont insuffisamment formés pour l’effectuer », peut-on lire encore dans la synthèse de l’étude. Les ophtalmologistes interrogés se déclarent également opposés, à 86 %, à la suppression de l’obligation d’ordonnance pour avoir droit au remboursement des verres correcteurs, « laquelle serait le signe d’une démédicalisation de la filière, dangereuse pour les patients et la prévention », insiste le syndicat qui précise que « les jeunes ophtalmologistes (moins de 50 ans) y sont encore plus défavorables, à 96 %. » Pour conclure, le Dr Bour insiste sur la nécessaire systématisation des échanges entre opticiens et prescripteurs : « Des efforts doivent être faits pour renforcer l’information vers les ophtalmologistes, garants de la filière visuelle. L’accélération de la numérisation du parcours de santé est une opportunité pour améliorer la coordination et la transparence entre les acteurs, au bénéfice des patients. »  

* Enquête SNOF menée auprès de 716 ophtalmologistes du 19 au 30 avril 2019. Résultats analysés par J. Raynaud, docteur en géographie de la santé.

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