Pacte contre les déserts médicaux : qu’en pensent les syndicats et associations de professionnels ?
Les propositions formulées par le Premier ministre dans le but d’améliorer l’accès aux soins sur tout le territoire sont globalement saluées par les instances diversement représentatives de la profession. Elles espèrent certains ajustements et appellent à aller plus loin, plus vite.
Syndicats représentatifs et associations de professionnels ont tour à tour réagi au tout récent Pacte de lutte contre les déserts médicaux dans lequel les opticiens sont nommément cités. Les différentes organisations nous détaillent leur vision de la situation, entre satisfaction globale et nouvelles attentes.
« Le projet émis par le gouvernement relatif au déserts médicaux est un premier pas, mais très timide. Nous pouvons faire mieux. Mais ne boudons pas notre plaisir et accueillons déjà les signaux encourageants qui nous sont envoyés », déclare de prime abord Hugues Verdier-Davioud. Le président de la Fédération nationale des opticiens de France (FNOF) se félicite de l’élargissement annoncé de l'expérimentation menée en Ehpad : « C’est une bonne chose », dit-il, avant de nuancer : « Cette proposition d'élargissement ne fait que désenclaver cette population [les résidents en Ehpad], et non le reste de nos concitoyens. Elle est donc très ciblée et n'est pas suffisante, mais néanmoins attendue depuis un certain temps et témoigne de ce que les pouvoirs publics ont acté qu'ils pouvaient s'appuyer sur les opticiens installés et acteurs de la proximité territoriale comme premiers référents en santé visuelle ».
S’agissant de la volonté du gouvernement de faciliter l'adaptation en primo-délivrance, le porte-voix de la Fédé se veut, là, particulièrement attentif : « Parce que nous sommes dans une situation qui n'aurait jamais dû exister si les prescripteurs n'avaient imposé dans la loi l'accord écrit pour modifier une prescription dans le cadre d'une adaptation de confort, et ce, alors que le patient sort de chez eux et que les levées de doutes ont été effectuées. Il faudrait donc changer la loi pour supprimer l'accord écrit, et travailler de concert entre 3 "O" pour nous accorder sur les modalités de communications entre nous, ne serait-ce que pour transmettre les nouvelles corrections lors d'une adaptation, qu'elle soit effectuée dans le cadre d'une primo-délivrance ou dans le cadre d'un renouvellement. À défaut, les conséquences seront pires que le mal. Il semble que le travail effectué avec la CNAM sur l'ordonnance électronique, la e-prescription et la messagerie sécurisée finissent par porter ses fruits. Je nourris cet espoir qui signifierait une co-construction positive entre les 3 "O", et une amélioration de nos échanges. »
Du côté du Rassemblement des opticiens de France (ROF), on « accueille avec satisfaction » les mesures annoncées par Matignon. Concernant la généralisation de l’expérimentation permettant l’intervention des opticiens en Ehpad, « nous assurons aux pouvoirs publics notre pleine disponibilité pour collaborer », déclare Jean-François Porte, à la tête du syndicat : « En ce sens, forts des retours de terrain de nos professionnels, nous souhaitons proposer des pistes d’ajustement du dispositif, qui permettraient d’optimiser son efficacité pour une meilleure prise en charge des personnes isolées ou à mobilité réduite ». Ensuite, sur le volet de l’adaptation des primo-prescriptions, le syndicat tient à rappeler que « le déploiement de la e-prescription devrait faciliter la communication entre les professionnels de santé en cas d’adaptation de la correction, puisqu’il est prévu que celle-ci puisse être tracée dans le DMP des patients notamment. »
« Un signal positif ». C’est en ces termes que l’Association des optométristes de France (AOF) a salué le projet du Premier Ministre. « Mais à ce jour, nous sommes encore très loin de tirer pleinement parti des compétences de ces professionnels de santé, pourtant essentiels à la structuration d’une offre de soins de qualité, accessible et territorialisée », relève Thibaud Thaëron, qui préside l’AOF. Le maillage dense sur l’ensemble du territoire que représentent les opticiens « constitue une opportunité encore trop peu exploitée », insiste-t-il. Et l’intéressé d’avancer des mesures complémentaires qui permettraient, selon lui, « d’aller plus loin pour améliorer l’offre et l’accès aux soins ». C’est-à-dire, pêle-mêle : renforcer la formation initiale des opticiens afin de les préparer aux nouveaux enjeux du dépistage, de la prévention et de la coordination interprofessionnelle, donner accès aux opticiens à des outils de dépistage pour consolider « leur rôle essentiel dans la chaîne de télé-expertise », faciliter la coordination entre professionnels en généralisant l’usage de l’ordonnance numérique du Dossier Médical Partagé et en développant des protocoles de coopération structurés, soutenir l’intégration de l’intelligence artificielle de sorte à proposer « un premier niveau de diagnostic de grande qualité » ou encore mobiliser les opticiens dans les campagnes de dépistage visuel en milieu scolaire.
Pour finir, évoquons également la position du Regroupement des Opticiens À Domicile (ROAD) qui voit ce pacte comme « une avancée », « un signal de confiance aux opticiens ». La structure présidée par Matthieu Gerber salue la généralisation annoncée de l’expérimentation permettant l’intervention des opticiens en Ehpad. « Cette expérimentation a démontré la pertinence de la mobilité des opticiens pour répondre aux besoins des résidents d’Ehpad », d’une part et, d’autre part, « la possibilité de réaliser en toute sécurité et avec la même qualité des examens de réfraction hors du cadre du magasin ». Il pointe toutefois certaines limites et souhaite des ajustements de ce dispositif : « la nécessité d'une prescription médicale pour garantir la prise en charge financière des équipements optiques par les régimes obligatoires et complémentaires » et « le besoin crucial d’un suivi par un médecin ophtalmologiste pour détecter et prévenir les pathologies oculaires liées au vieillissement. » Idéalement, le ROAD aimerait même une évolution encore plus poussée, à savoir autoriser « les opticiens en mobilité à réaliser sur tous les lieux de vie des personnes fragiles des examens complémentaires (fond d’œil, mesure de la pression intraoculaire, imagerie du segment antérieur), analysés ensuite en télé-expertise (asynchrone) par des médecins ophtalmologistes, garantissant ainsi un diagnostic médical sécurisé et un parcours de soin adapté ».
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