C’est aux Pays-Bas qu’on le contacte par téléphone. Pierre Wizman, cofondateur avec Pauline Cousseau du concept Polette, repartira dès qu’il pourra en Chine où, entre Hong Kong et Shanghai, il passe l’essentiel de son temps. Conversation.

Fréquence Optic : Quelle est la singularité de Polette dans le paysage de l’optique ?

Pierre Wizman : Depuis nos boutiques connectées, nous mettons directement en relation l’usine et le consommateur. Car nous avons, je le rappelle, notre propre usine en Chine. Pas d’intermédiaires, pas de prestataires, donc pas de coûts supplémentaires répercutés sur nos prix de vente. On gère absolument tout en interne, et cette maîtrise complète de la chaine, de la fabrication à la vente en passant par le design des produits et les progiciels, est unique.

Un site de fabrication en France, c’est inenvisageable ?

À une époque on s’est interrogé, parce qu’en tant qu’entrepreneurs français on en aurait eu envie, évidemment. Mais produire en France c’est ingérable. L’écosystème économique n’est pas accueillant. Ailleurs on est écouté, accompagné, alors qu’en France tout est difficile, tout est compliqué. Cela dit, je tiens à souligner que notre circuit de production chinois est l’un des tout meilleurs au monde.

En chiffres, ça donne quoi Polette, aujourd’hui, sur le marché français ?

Nous avons quatre showrooms dans l’Hexagone et nous devons réaliser ici autour de 25 millions d’euros de chiffre d’affaires. Quelque 1 800 colis partent chaque jour pour la France, sachant que dans chaque colis il peut y avoir plusieurs lunettes. On doit donc avoisiner les 2 500 équipements livrés quotidiennement sur tout le territoire. Ce que nous avons apporté en France grâce à notre offre, c’est un véritable intérêt pour le multi-équipement. De ce point de vue, on a modifié le mode de consommation des Français en optique.

Quelles sont vos perspectives de développement, notamment en ce qui concerne les magasins ?

À cause de la crise sanitaire, nos projets sont en stand by. Avant le coronavirus, nous devions ouvrir cette année quatre nouvelles boutiques à Bordeaux, Lyon, Marseille et Nice mais tout est en suspens. On n’a pas abandonné l’idée d’inaugurer de nouveaux magasins mais nous devons d’abord renégocier les loyers. En raison de la crise sanitaire, l’immobilier commercial doit nécessairement revoir ses tarifs. Un emplacement premium, ce que nous visons toujours, ne peut plus coûter la même chose aujourd’hui.

Comment jugez-vous la situation post-confinement ?

Tout a repris assez vite. Ce qui est peut-être le plus délicat à gérer, c’est le management en interne. Il faut savoir tranquilliser les équipes, au niveau sanitaire, qui sont au contact du public. Du côté des clients, il n’y a pas eu de grands changements. Ils sont rapidement revenus en boutiques même si nous leur offrons désormais la possibilité d’essayer nos lunettes en ligne. Nous venons en effet d’enrichir notre application mobile d’un service d’essayage virtuel disponible pour tous nos modèles. Si le e-commerce ne prendra jamais la place des magasins physiques, car les gens aiment toucher les produits, en revanche ils veulent avoir le choix. Notre nouvelle application va exactement dans ce sens : chacun peut s’équiper tout en restant en sécurité chez soi si l’envie ou la situation l’impose… ou venir à la rencontre de nos équipes en chair et en os.

Justement, quel est le profil de votre clientèle ?

Il est vraiment très varié. Comme dans tous les secteurs de la mode, les femmes consomment peut-être un peu plus, mais nous avons beaucoup d’hommes pour qui la lunette est clairement devenue un accessoire de mode à part entière. Surtout, ce sont des personnes de tous âges et pas seulement des jeunes. Le segment de l’enfant est quant à lui moins euphorique, disons. On est en croissance également sur ce créneau mais c’est plus progressif, plus lent.

Depuis la création de Polette il y a dix ans, comment le marché a-t-il évolué selon vous ?

C’est vrai qu’il y a eu l’arrivée de nouveaux acteurs mais leur offre n’est pas si neuve que ça. Ici et là, je ne citerai personne pour ne pas polémiquer, on voit surtout beaucoup de marketing mais peu de réelles innovations, au fond. Très sincèrement, depuis dix ans en optique, il n’y a rien eu d’aussi nouveau que Polette. Seul notre modèle est vraiment différent parce qu’il met en relation directe, comme je l’ai dit en commençant, l’usine et le client à travers des showrooms entièrement connectés.

Des choses à améliorer, quand même, dans votre concept ?

Dans tout modèle il y a toujours des éléments à parfaire. En ce qui nous concerne, c’est sans doute les délais de livraison. Chaque année on progresse un peu plus sur le transport. Actuellement, l’acheminement se fait en moyenne en six jours. Bientôt, on devrait être capable de livrer en 48 h et, idéalement, en 24 h.

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Polette en chiffres :
 
55 millions d’euros de chiffre d’affaires total en 2019
3 500 commandes par jour
4,99 euros l’ensemble monture + verres (traitement compris) le moins cher sur le site
8 showrooms dans le monde : Paris, Lille, Nantes, Toulouse, Bruxelles, Londres, Amsterdam et Utrecht.


Photo : Pauline Cousseau et Pierre Wizman devant le magasin parisien, rue de Rivoli.

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