Invitée il y a quelques jours d’une émission sur Public Sénat, la ministre de la Santé s’est voulue rassurante quant aux possibles effets néfastes du projet de réforme RAC 0 sur le montant des cotisations ou l’avenir de la filière lunetière hexagonale. Pas sûr qu’elle ait convaincu…

Elle relativise, elle minimise, elle dédramatise. En début de semaine, sur le plateau de l’émission Audition publique diffusée sur la chaîne Public Sénat, Agnès Buzyn a répondu à des questions de parlementaires concernant les conséquences annoncées ou redoutées de la mise en place du RAC 0. Ses déclarations ressemblaient à une opération de déminage. Ou à de la méthode Coué, diront certains, plus sévères. À propos d’un possible surenchérissement des cotisations assurantielles, la ministre de la Santé a d’abord tenu à rappeler qu’il y a une promesse des complémentaires. Ne pas augmenter les tarifs pour compenser le surcoût généré par la réforme « faisait partie du deal », insiste-t-elle d’emblée. Avant de se montrer moins catégorique : « Je ne peux pas être 100 % sûre qu’aucun contrat ne va pas évoluer. Par contre, sur la globalité, les mutuelles et les assureurs se sont engagés à ne pas répercuter le coût du reste-à-charge zéro. Ils se sont engagés parce qu’on a négocié sur le prix de toute la filière, donc on a demandé à chacun de faire des efforts - aux opticiens, aux producteurs - et donc chacun fait une partie du chemin pour permettre aux Français d’être équipés. Ensuite, l’Assurance-maladie prend en charge les trois-quarts du coût. Sur le milliard d’économies pour les Français, 750 millions d’euros vont être directement payés par la Sécurité sociale et donc 250 millions par les mutuelles et les assureurs. À mettre en regard des 37 milliards de leurs budgets, soit 0,14 %, c'est absorbable... » La ministre veut donc croire que les complémentaires joueront le jeu - « elles se sont engagées et j’ai confiance ». Trop confiance ? Certains contredisent déjà les vues de la ministre, à l’exemple de Carte Blanche et démonstration chiffrée à l’appui.

S’agissant de la filière lunetière française, qui s’inquiète vivement de la pression que le futur cadre règlementaire fera peser sur ses ventes, Agnès Buzyn essaie de dépassionner le débat. Et de revenir aux origines des négociations : « Je voulais être certaine que nous ne pénalisions pas nos lunetiers français. (...) Il se trouve que nos lunetiers français font des lunettes très haute gamme, de très bonne qualité qui, en fait, ne rentrent pas de facto ou probablement pas dans le reste-à-charge zéro. D’autre part, je crois que la majorité de leur production part à l’étranger, donc en réalité, ils seront assez peu impactés. Mais c’est du haut de gamme, donc je rappelle que le reste-à-charge zéro s’adresse quand même à un public qui a vraiment besoin de ne pas du tout dépenser de sa poche. On pense qu’à peu près 15 à 20 % de la population va y avoir recours, la population la plus précaire. Mais évidemment les complémentaires vont continuer de couvrir une bonne partie des lunettes plus chères parce qu’on peut imaginer que des gens aient envie d’avoir plus de choix et là, évidemment, ces lunetiers-là ne seront pas impactés. Le libre choix persistera et on a été très attentifs à cette filière. Donc on peut les rassurer, ils ont fait partie de nos préoccupations ». Bref, la ministre de la Santé table sur un scénario optimiste… oubliant de dire que c’est aussi et surtout la baisse du plafond de remboursement des lunettes de 150 euros actuellement à 100 euros dès 2020, qui inquiète les industriels français. En effet c’est cette nouvelle donne avant tout que redoutent les quelque 130 entreprises sur le territoire : que les assurés préfèrent choisir des montures non-françaises pour rester dans les clous de ce montant maximum de 100 euros pris en charge intégralement par leurs contrats santé…

Pour recevoir les dernières infos, inscrivez-vous à notre newsletter