Présenté il y a quelques jours, le rapport annuel de la Cour des comptes a émis diverses recommandations concernant l’évolution de la filière visuelle. Ce qu’il faut retenir.

Ce n’est pas la première fois que la Cour des comptes ouvre les yeux sur la filière visuelle. Dans son dernier rapport annuel, l’institution préconise plusieurs évolutions, constatant une situation persistante d’inégal accès aux soins visuels en France. « Les besoins de la population en soins visuels sont inégalement couverts », diagnostique d'emblée le document. Si la Cour des comptes prend acte des dynamiques amorcées ces dernières années - développement du travail aidé à travers un renforcement de la relation ophtalmos-orthoptistes, extension des compétences des opticiens, etc. -, l’institution émet l’idée d’accorder plus de responsabilités aux opticiens. Ainsi la Cour des comptes se montre-t-elle favorable à la prescription en première intention des équipements optiques. Pour tous les opticiens ? Non, pour ceux des opticiens qui auraient suivi au préalable une formation complémentaire de niveau master. Formation à travers laquelle ils auraient acquis des compétences en optométrie et en diagnostic clinique des troubles de la réfraction. Et la Cour des comptes de devancer d’éventuelles critiques : « Afin de prévenir des conflits d’intérêt, un patient ne pourrait acquérir un équipement d’optique dans le point de vente où il lui a été prescrit. Cette extension du champ de compétence des opticiens-lunetiers justifierait une réingénierie globale de leur formation initiale, voire son attribution à l’université », insiste le rapport. Prenant connaissance de cette recommandation, le Dr Thierry Bour, président du syndicat des ophtalmologistes, s’est immédiatement positionné contre : « Cela nous pose des problèmes importants. D’une part pour la prévention, parce que les troubles de la réfraction sont en relation avec des pathologies et les opticiens ne sont pas là pour connaître ces pathologies. » D’autre part, les opticiens « sont dans un circuit de vente et ce n’est pas le rôle d’un agent commercial de faire de la médecine. Cela pose un problème de conflit entre la prescription et la vente puisque l’opticien a intérêt à renouveler les équipements optiques », a-t-il commenté sur RTL. Selon lui, la séparation entre prescription et vente ne saurait être assurée, M. Bour rappelant que le secteur « est organisé par chaînes et un opticien peut avoir plusieurs magasins dans des chaînes différentes. Rien ne va prouver que le patient n’achètera pas dans un magasin qui appartient au même opticien. »

Le cas des optométristes est également abordé dans le rapport de la Cour. L’institution suggère que les optométristes en activité se voient proposer des formations, notamment dans le domaine clinique et dans des conditions juridiques sécurisées (qu’elle ne détaille pas à ce stade), afin de prendre en charge des troubles de la réfraction au même titre que ceux des opticiens qui auraient suivi un cursus de type master, comme précédemment évoqué. Faut-il y voir un début de reconnaissance de l’optométrie dans l’Hexagone, statut après lequel les optométristes courent depuis des décennies ? Non, insiste la Cour. Il s’agit plutôt de mettre à profit l’existant, c’est-à-dire des gens déjà solidement formés : « Cette évolution ne conduirait pas à reconnaître la profession d’optométriste dans le code de la santé publique, mais à intégrer les optométristes ayant approfondi leur formation à l’étage de la profession d’opticien-lunetier correspondant au plus haut niveau de formation ».

Strictement consultatif rappelons-le - le gouvernement n’est en rien obligé de le suivre - , l’avis de la Cour des comptes tient à souligner que s’il devait y avoir évolution des prérogatives des opticiens, ce serait encore et toujours dans le cadre de « la préservation du rôle central de l’ophtalmologiste ». Autrement dit, c’est sans conteste le médecin qui demeurait en toutes situations le pilier de la filière visuelle : « En tout état de cause, ces extensions des champs de compétences des orthoptistes et des opticiens-lunetiers seraient limitées à la prise en charge de situations simples. En cas de présomption de situations excédant leur champ de compétences ainsi élargi, ils devraient obligatoirement adresser les patients concernés à un ophtalmologiste ».

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