Plusieurs rapports récents d’organismes publics, de gouvernements ou de consultants internationaux ont commencé à soulever la question de l’impact économique de l’impression 3D.

Plusieurs rapports récents d’organismes publics, de gouvernements ou de consultants internationaux ont commencé à soulever la question de l’impact économique de l’impression 3D. On peut citer en particulier le rapport récent du CESE, ceux de Deloitte, de Roland Berger ou de McKinsey. A noter aussi prochainement la parution d’un rapport conjoint CCI Ile-de-France et Direction Générale de l’Armement. Tous les grands pays, notamment les USA, la Chine, l’Allemagne sont en train de mettre en place de grands plans pour adapter leurs économies.

Une partie de la science fiction est entrée dans la réalité

Il ne s’agit pas d’un phénomène de mode, l’impression 3D, ou la fabrication additive, n’est pas un gadget dont les ménages vont s’équiper pour fabriquer des petits objets domestiques en plastique. La fabrication 3D à la maison restera une activité marginale, contrairement à la fabrication additive (3D) à usage industriel. La fabrication additive concerne tous les matériaux, des résines au titane, de l’or aux alliages composites, des tissus vivants à l’alimentation, des circuits électroniques intégrés dans des objets à des textiles ou de l’habillement, de la lunetterie à la joaillerie, du prototype au moule et à la pièce finie, etc. On produit déjà selon ce procédé des prothèses dentaires et médicales, des pièces d’avion ou de satellites.
La fabrication additive est entrée dans une phase de croissance exponentielle, elle existe depuis trente ans et a pris depuis longtemps une grande importance en particulier dans le prototypage (L’association française de prototypage rapide est l’un de ses véhicules les plus anciens) mais elle va envahir désormais la plupart des secteurs industriels.

Ajouter de la matière au lieu d’en retirer : permettre l’impossible

L’ensemble des procédés de l’impression 3D recoupe de nombreuses technologies distinctes dont le seul point commun est de créer des objets en ajoutant de la matière (additive manufacturing) au lieu d’en retirer (usinage). Ils permettent de s’affranchir des contraintes d’un moulage, d’une plaque de tôle ou d’un bloc de métal. Ainsi sont rendues possibles : des pièces traditionnelles en petites séries à coûts réduits là où le coût d’une série limitée était prohibitif ; des pièces antérieurement « impossibles » à fabriquer avec des procédés traditionnels ; des pièces offrant des capacités mécaniques ou thermiques inédites ; des pièces d’un seul tenant là où des assemblages étaient nécessaires, etc. L’impression 3D remet donc en question le design industriel des produits, leur design d’apparence ou d’usage, la longueur des séries, la « customisation » à outrance, la réparabilité par la plus grande disponibilité potentielle des pièces, voire la réparabilité par ajout de matière sur les parties usées, même en alliages de titane. Les fichiers des pièces seront bientôt disponibles au téléchargement comme aujourd’hui les modes d’emploi ou les « drivers » de vos appareils et vous pourrez les faire produire dans des fermes de production à proximité, voire à La Poste.
Elle permet : de réduire considérablement le coût de la complexité puisque un design 3D complexe peut être produit plus simplement ; de créer de très nombreux usages et produits nouveaux ; de réduire le poids ou le volume des pièces ; de supprimer une large partie de la logistique ; d’améliorer et de combiner des performances, etc.
Ses impacts concernent toutes les industries, toutes les fonctions, tous les pays, tous les savoir-faire. Ils sont technologiques, économiques et sociaux. Ils toucheront notamment de plein fouet le système éducatif et de formation ainsi que le système juridique de la propriété intellectuelle.
Elle va avoir un impact sur les business modèles des entreprises à la fois quant à la R&D, le marketing, la production (la longueur des séries peut être reconsidérée), la logistique et le stockage, et va revaloriser la réparabilité (jeter versus réparer) ou encore bouleverser la maintenance. Quand celle-ci fait partie du modèle économique, ce qui est particulièrement important dans les industries de transport ou d’énergie où souvent la marge est faite sur les pièces et l’entretien, les technologies nouvelles vont réinventer la notion même de maintenance et les rôles des acteurs qui s’en chargent.
Elle va créer des « disruptions » majeures tout au long de la chaîne de valeur, au point de mettre certaines industries en danger, donc leurs fournisseurs, leurs clients, leurs banquiers, leurs actionnaires. Les industries de la machine-outil, des scanners, des poudres et matériaux, des softwares depuis la conception jusqu’à la production, de la logistique, de la certification, etc. vont être affectées.

Un double choc sur l’emploi

Elle va enfin et peut-être surtout impacter les compétences dans chaque industrie, depuis l’apprentissage des savoir-faire de base jusqu’aux savoir-faire de design, de marketing, de production, de logistique, etc. Comme toutes les grandes disruptions de notre époque, à l’instar de l’automatisation, de la robotique, du Big Data, des objets connectés, de la smart grid ou encore des Smartphones, les savoir-faire vont être impactés selon deux axes.
Le premier est celui de la quantité de travail. On insiste souvent sur la réduction des emplois que provoquent les nouvelles technologies. Le thème des emplois menacés est plus médiatique et plus facile à documenter mais il est probable que l’impression 3D, comme de nombreuses industries nouvelles, créent en réalité de nombreux emplois.
Le second, plus important, est que la répartition des savoir-faire va être profondément changée. Des savoir-faire vont devenir obsolètes, d’autres vont devenir essentiels. Prenons l’analogie du chauffeur de taxi qui n’a plus besoin de connaître les rues pour exercer, grâce à son GPS, et dont la connaissance des rues devient de fait obsolète : il a besoin de réinventer des savoir-faire d’amabilité et d’accompagnement des clients. La production en impression 3 D va avoir des impacts similaires mais à bien plus grande échelle. Elle va rendre obsolète les compétences de nombreux métiers et exiger pour d’autres une forte montée vers de nouvelles compétences.

Comment s’y préparer ?

L’arrivée de cette révolution technologique nécessite de nombreuses adaptations, au cœur de la plupart des rapports actuellement présentés que ce soit aux gouvernements ou aux entreprises, et qui vont de la révision des contenus pédagogiques – dans tout le système éducatif y compris et surtout dans la formation permanente-, de la collaboration transversale entre technologies, à la révision des business modèles et à des plans divers de dynamisation de filières industrielles.
Pour les entreprises, la priorité est de comprendre sur quels éléments de l’écosystème cet ensemble de technologies va jouer, comment il va jouer, quels bouleversements économiques il va apporter, quels nouveaux talents il faut attirer dès maintenant, comment il faut modifier la structure actuelle de talents et comment on peut la préparer, quelle valeur réelle il va permettre d’apporter aux clients, qu’est-ce qu’il va exiger de nouveau de la part des fournisseurs, etc. C’est une vraie question de stratégie, demandant une implication de tous les membres des comités de direction. Celle-ci commence par la compréhension de la taille des enjeux et une analyse prospective en profondeur et en détails de leurs impacts sur toutes les dimensions de l’entreprise.

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