Les ophtalmos déplorent que l’État ait attribué « seulement » 152 postes à leur spécialité quand il en faudrait au moins 240, selon eux. Et ils s'interrogent sur l'implication réelle de l'État en matière de formation des praticiens de demain.

Pour faire face à la demande croissante en matière de soins visuels, former davantage d’ophtalmologistes est un levier parmi d’autres à activer. En apprenant que « seulement » 152 postes -  au lieu des 240 nécessaires, selon le syndicat - ont été attribués à leur spécialité à l’épreuve classante nationale (ECN), soit trois postes en moins par rapport à 2018, les optalmos voient rouge : « Le SNOF s’indigne de cette décision des pouvoirs publics qui ne semblent pas saisir l’urgence du renouvellement des praticiens pour répondre aux besoins des Français en matière de soins oculaires ». Sachant que près d’un ophtalmologiste sur deux n’est pas remplacé lors de son départ à la retraite, et que 2 500 devraient arrêter leur activité dans les dix ans, le SNOF estimait avoir des arguments à faire valoir auprès des pouvoirs publics, « seuls décisionnaires » en ce qui concerne l’affectation des postes à chacune des spécialités médicales. Pour le Dr Thierry Bour, président du SNOF, le signal envoyé par les responsables publics est incohérent au regard de la situation : « Le nombre d’internes en ophtalmologie a été une nouvelle fois revu à la baisse pour la rentrée 2019, alors qu’une franche augmentation était attendue après des décennies de sous-attribution. Cette décision est en totale contradiction avec les besoins criants de la population en matière de soins visuels. Une incohérence d’autant plus incompréhensible que l’ophtalmologie est la spécialité la plus demandée par les étudiants ! » Pour la direction du SNOF, cette décision d'attribuer 152 postes et pas un de plus, n’est pas de nature à soutenir les efforts des praticiens en matière de réduction des délais d’attente : « Les ophtalmologistes se sont mobilisés massivement pour réduire les délais, notamment avec la mise en œuvre rapide des délégations de tâches. Elle porte déjà ses fruits puisque le délai médian de RDV s’est réduit, passant de 66 jours à 43 jours en deux ans. Mais le succès du plan est indissociable de l’augmentation du numérus clausus de la spécialité. La filière demande aux pouvoirs publics de prendre leurs responsabilités : il s’agit d’un enjeu de santé publique, et si l’État ne fait pas sa part, ce sont les Français qui en pâtiront, » avertit le Dr Bour.

Faut-il voir dans cette sous-attribution un désengagement français dans la formation des ophtalmologistes de demain ? Le syndicat n’est pas loin de le croire : « Le SNOF a fait des propositions concrètes pour accueillir un nombre plus important d’internes dans la spécialité grâce à la mise en place de stages en cabinet libéral. Cette solution présente un triple avantage : créer une centaine de terrains de stages supplémentaires dès l’année à venir, proposer une formation plus diversifiée et proche de l’exercice professionnel qui se fait à 80 % en médecine de ville et enfin offrir une palette de terrains de stages mieux répartie sur les territoires, en proximité avec les besoins de la population. » De plus, du point de vue du SNOF, il y a clairement une inégalité de traitement injustifiable : « C’est exaspérant de voir attribuer à l’ophtalmologie, spécialité considérée par tous comme la plus en pénurie, seulement 1,8 % des postes à l’ECN alors qu’elle représente 2,6 % du corps médical. Comment peut-on espérer solutionner définitivement les délais de RDV et réduire les zones sous-dotées si l’on fait perdurer l’insuffisance en postes formateurs ? Nous ne demandons qu’à être traités comme les autres spécialités ! Les étudiants qui ne pourront avoir un poste devront faire une croix sur leur projet professionnel ou s’expatrier à l’étranger : aujourd’hui 42 % des nouveaux ophtalmologistes inscrits au Conseil de l’Ordre ont un diplôme étranger ». Et le président du SNOF de conclure en ironisant : « C’est à se demander si la France ne se repose pas sur les autres pays pour former son propre corps médical ! »

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