Échange de vues avec Angélique Lenain qui évoque pour nous les projets de Sensee, dont elle est, au côté du président-fondateur Marc Simoncini, la directrice générale résolument enthousiaste.

« Optimiser la convergence des expériences-clients »

La voix est énergique, les arguments bien rodés et l’enthousiasme visiblement intact. Jeudi dernier, lors d’un échange téléphonique, la directrice générale de la marque-enseigne a répondu à nos questions. Ce jour-là, l’ex-avocate d’affaires et diplômée d’HEC nous téléphonait depuis la Fnac Montparnasse (photo), là où, quelques jours plus tôt, venait d'être inauguré un nouveau corner Sensee sur le modèle de celui déjà visible à la Fnac Bordeaux Sainte-Catherine. Il s’agit du deuxième shop in shop de ce genre, celui de la Fnac Vélizy ayant fermé en décembre pour des raisons de bail commercial inadapté, seulement trois semaines après son inauguration. « Simple problème administratif », déclare l’intéressée. Notre première question portera justement sur le développement de ces corners. Ont-ils vocation à s’implanter dans toutes les Fnac de France ? « Nous ne raisonnons pas en termes quantitatifs, recadre aussitôt Angélique Lenain. Nous pensons d’abord du point de vue d’un maillage général, à la fois numérique et physique. Il s’agit pour nous d’établir des points de contact pertinents entre la marque et les consos, d’optimiser la convergence des expériences-clients ». Et Angélique Lenain de détromper ceux qui pourraient croire que l’ouverture de ces stands est privilégiée au détriment des boutiques (soit quatre unités, à Paris, Bordeaux, Marseille et Toulouse) : « Il faut bien comprendre qu’il n’y a pas de switch entre ces corners et nos boutiques mais bien une logique de complémentarité ». En clair, ces shop in shop ne sont pas un choix par défaut. Ils ne remplaceront pas les showrooms Sensee qui continueront de se développer, à leur rythme, en fonction des opportunités. « Nous avons évidemment conscience de la valeur statutaire des points de vente qui ont aussi, pour l’acteur web que nous sommes, une fonction de réassurance vis-à-vis du client », note-t-elle. On insiste pour avoir une perspective chiffrée. Réponse de l’intéressée : « Disons une dizaine de corners d’ici à la fin de l’année et, à terme, 30 à 50 points de contact », corners et boutiques additionnés. Toujours dans cette logique de maillage territorial, les corners Sensee pourraient-ils s’implanter ailleurs qu’à la Fnac ? « On ne s’interdit aucune piste de réflexion », répond, évasive, la directrice générale de Sensee qui précise d’ailleurs qu’aucune exclusivité ne lie la marque et la Fnac. Ainsi, peut-être verra-t-on prochainement essaimer Sensee dans d’autres grandes enseignes généralistes. Une possible duplication est donc à suivre. Toujours au titre du croisement des expériences-clients, Angélique Lenain explique enfin, sans toutefois détailler, que des réflexions sont en cours concernant la convergence entre porteurs de lentilles et porteurs de lunettes. Rappelons en effet que le site Lentillesmoinschères - à propos duquel elle n’a pas souhaité nous communiquer de chiffres - appartient à Sensee. « C’est évidemment un axe de croissance », se contente-t-elle de dire.

« Le risque aujourd’hui c’est précisément de ne pas prendre de risques »

Quand on aborde ensuite la question de la concurrence, Angélique Lenain réfute totalement notre idée selon laquelle les derniers entrants importants sur le marché de l’optique - soit Sensee et le non moins médiatique Lunettes pour tous - évolueraient en frontal. « Nous avons chacun nos logiques de développement, très différentes, et l’argument d’une concurrence entre les nouveaux arrivants est irrecevable », balaie-t-elle, retrouvant là, un peu, ses réflexes d’avocate. À l’en croire, donc, pas de rivalité particulière entre Sensee et le concept de Paul Morlet. Et de resituer, sans volonté aucune de polémiquer, le projet fondateur de Sensee : « Depuis le début on se positionne contre un certain fonctionnement historique du marché, sans cibler personne en particulier. Dès le départ il s’est agi pour nous de remettre du sens dans l’achat des lunettes. De ce point de vue, nous n’avons jamais varié ». Angélique Lenain l’assure, déterminée : « Le vrai défi c’est que le client, dans ses choix, ait conscience du rapport qualité-prix de ce qu’il achète mais aussi de l’origine des produits (la collection Sensee est labellisée Origine France Garantie_ndlr). Plutôt que de se fournir à Shenzen, on travaille avec les fabricants d’Oyonnax et on participe ainsi à la réindustrialisation. J’ai la conviction que cet engagement sociétal parle de plus en plus aux gens. Les clients sont en train d’évoluer, notre discours marque les esprits. Certes les choses se font lentement mais c’est un mouvement de fond qui ne s’arrêtera plus. Aujourd’hui, clairement, il y a une attente de tous autour de la transparence. Voilà pourquoi nous communiquons sans complexe sur nos marges », fait-elle observer. C’est sans doute à ce moment-là de l’entretien que la directrice générale de Sensee montre le plus de passion dans ses propos, en revendiquant « une qualité de service de dingue » et « des produits fabriqués avec amour par des fabricants jurassiens infiniment attachants et fiers de leur savoir-faire ». « Notre conviction, dit-elle encore, c’est que nous allons dans la bonne direction. On aime ce qu’on fait, on le fait bien, on est constructifs. ». Pour elle, donc, pas de doute : le regard des gens sur l’optique évolue, et d’autant plus sous l’effet des nouvelles modalités de remboursements tous les deux ans. « Cela contribue aussi à ce changement des mentalités », indique notre interlocutrice. C’est peut-être au moment de clore notre échange qu’Angélique Lenain résume finalement le mieux la philosophie et la méthode de Sensee : « On est pragmatiques, fondamentalement. On teste, on expérimente, on innove en permanence ». Quand on lui fait remarquer que les acteurs historiques aussi se transforment, elle semble un peu tiquer, et généralise : « C’est en effet tout un secteur qui doit se réinventer. Contrairement à ce qu’on entend parfois, le risque aujourd’hui c’est précisément de ne pas prendre de risques ». Un éloge du mouvement, en quelque sorte, raccord avec une marque-enseigne qui aspire visiblement plus que jamais à faire bouger le marché. 

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