Vingt ans après une première tentative d'union intersyndicale, le Rassemblement des Opticiens de France se présente aujourd'hui comme la première étape d'une future confédération où tous les opticiens et toutes les structures auraient leur place, côte à côte.

L'histoire retiendra-t-elle cette date du 22 mars 2017 ? "C'est un grand moment", veut croire une Catherine de la Boulaye visiblement émue. C'est par ces mots que la directrice des relations extérieures de GrandVision a clôturé la conférence de presse actant la naissance du Rassemblement des Opticiens de France, ROF en abrégé, dont elle est, avec Christian Rotheker (Optissimo/Groupe One), la vice-présidente. Cette réunion dans une des salles du Régus, à Paris, vient officialiser une information qui avait fuité depuis quelques semaines déjà, sans qu'on sache alors de quoi il en retournait précisément. C'est André Balbi, en sa qualité de premier président du ROF, qui a présenté l'horizon de cette nouvelle association. André Balbi ? Lauréat du Prix de l'Opticien de l'Année en 2011, cet opticien corse indépendant bientôt quinqua s'implique depuis deux ans maintenant dans l'avenir de la profession. "Avant, je n'étais engagé ni de près ni de loin. Trop accaparé par mes activités", confie l'intéressé en ouverture de la conférence de presse. Et puis je me suis aperçu que la profession était en danger", raconte-t-il, exposant ses engagements successifs, d'abord au niveau régional, "sur mon île", puis à l'échelle nationale au sein du mouvement O.s.c.a.r* qui a agrégé les divers collectifs régionaux ayant fleuri un peu partout en France ces deux dernières années. En présence d'une vingtaine de représentants d'enseignes (Afflelou, Hans Anders, GrandVision, Krys Group, Optical Center, Optic 2000, Optissimo, etc.), il rêve aujourd'hui de voir cette association accueillir "un maximum d'acteurs de l'optique", opticiens ou structures, pour "oeuvrer à un rassemblement dans l'intérêt général de la profession"; telle est l'ambition affichée. Et M. Balbi d'ajouter, non sans une certaine gravité dans la voix : "Dans la vie, il est toujours plus facile de diviser que de regrouper", philosophe-t-il, avant d'inviter les opticiens "à ne pas rater le rendez-vous de l'union".

Discrètement mais sûrement, des rencontres ont donc eu lieu ces derniers mois pour faire émerger le ROF. "Cette naissance s'est préparée à petits pas, pendant de longs mois, elle n'est pas arrivée comme ça", reconnaît M. Balbi. Engagées il y a plus d'un an, ces discussions au long cours ont donné naissance à "une base saine", assure de son côté Didier Rosset, cet opticien de Chambéry qui s'est fait connaître comme tête de file des Opticiens de Savoie. Nommé administrateur du ROF, il se dit convaincu que la profession pourra bientôt parler d'une seule et même voix. "Vous savez, nous confiera-t-il un peu plus tard en aparté, les uns et les autres on a su dépasser des désaccords et des divergences pour trouver un terrain d'entente, un socle commun : défendre le métier d'opticien au nom de la santé visuelle". En proposant une "démarche unitaire", cette toute jeune association entend donc tracer les contours d'un syndicalisme unifié. En attendant d'autres ralliements, les enseignes issues de l'Union des Opticiens et du Syndicat national des Opticiens Réunis cohabitent ainsi sous cette même bannière, sans oublier des associations locales d'opticiens.

Idéalement, au 1er janvier 2018, l'association se transformera en syndicat fort, espère M. Balbi, d'une "représentativité la plus équilibrée possible". Mais avant cette étape, il faudra encore convaincre les décideurs les plus réticents, et d'abord le président de la Fnof, vivement opposé à cette initiative depuis le départ. Selon lui, c'est une manoeuvre qui vise à le marginaliser personnellement et, au-delà, à porter "atteinte à la légitimité de la Fnof", grondait l'intéressé dès le 10 mars dans une newsletter anticipant la naissance du Rof, et adressée à ses adhérents. Dans ce contexte tendu, un débat serein et constructif est-il possible entre le Rof et la Fnof ? À cette question, on sent un flottement dans l'assistance. Puis André Balbi de répondre posément : "La porte est ouverte. Dans la période actuelle, il est nécessaire d'agréger ". Comment M. Gerbel s'accommodera-til de cette nouvelle donne ? Il pourrait y avoir un début de réponse dès lundi prochain, 27 mars, la Fnof tenant ce jour-là une grande réunion publique à l'occasion de son assemblée générale. Débats vifs en perspective.

* Acronyme qui désigne les Opticiens Sans Complémentaire Avec Réseau.