Commandée par le ROF, la publication d’une très dense étude Xerfi sur la mise en place de l’offre 100 % Santé éclaire d’un jour nouveau les possibles impacts sur la consommation optique des Français demain, la situation à venir des opticiens et l’engagement financier des complémentaires.

« C’est certainement l’étude la plus fiable et la plus complète des impacts attendus de l’offre 100 % Santé », affirme André Balbi, président du Rassemblement des opticiens de France (ROF), à propos des données exhaustives fournies par l’institut Xerfi et dont nous avons récemment pris connaissance. De fait, il s’agit d’un travail de modélisation très fin exploitant un échantillon de quelque 55 000 factures anonymisées issues de tous les acteurs du marché - aussi bien les enseignes que les indépendants, sans oublier les mutualistes. Surtout, Xerfi a intégré tous les paramètres réglementaires et législatifs de la réforme pour affiner au mieux les scénarios à prévoir à compter de 2020. De cette étude très dense, on peut dégager trois éléments importants.

Si l’on regarde d’abord les effets côté porteurs, l’étude souligne que pour 2/3 d’entre eux, en particulier les porteurs d’unifocaux, la prise en charge sera plus favorable après qu’avant le 100 % Santé. Plus favorable parce qu’elle va représenter une montée en gamme (grâce au traitement antireflet intégré dans le panier). D’autre part, Xerfi estime que le panier 100 % Santé devrait peser autour de 15 % du marché. Ce qui se traduirait d'un côté par une contraction du marché de l’ordre de plus de 2 % en valeur (en tenant compte de la baisse des prix des équipements prévue par la réforme) et de l'autre par une augmentation en volume à hauteur de 4 %, en prenant en compte la hausse du nombre de Français accédant aux soins optiques. Ce dernier point est sans doute capital : avec la réforme, Xerfi évalue à 1,1 million le nombre de nouveaux clients consommant pour la première fois de l’optique, ceux-ci étant jusqu’alors « exclus du marché pour des raisons financières ». Le temps d’obtenir une ordonnance et la mise à jour des contrats responsables, ils entreraient sur le marché sur deux ans, à compter de 2020 bien sûr. C’est le comportement de ceux que l’on peut appeler « les nouveaux entrants » qu’il faudra observer dans le temps. À l'avenir, se contenteront-ils de profiter du seul panier 100 % Santé ou monteront-ils progressivement en gamme ? Dans la seconde hypothèse, cela pourrait durablement revitaliser un marché atone depuis des années et donc constituer une opportunité de régénération de fond…

Venons-en ensuite à la situation des opticiens. Xerfi a déterminé les effets sur leur activité. Puisque les opticiens devront compenser la baisse du plafond de remboursement des montures, cela conduira à un recul de 10 à 12 % de leurs prix. À quoi il faut ajouter, précise Xerfi, « une hausse potentielle du reste-à-charge pour les porteurs sur le marché libre ». Et l’institut d’ajouter : « La hausse des volumes associée à une baisse des prix entrainera mécaniquement une baisse de la rentabilité des entreprises d’optique. La marge nette du secteur, qui est aujourd’hui de 5,4 %, diminuera de 1,7 points pour s’établir à 3,7 % du chiffre d’affaires ». Sachant cela, une projection de l’institut à partir d’un panel de 887 sociétés d’optique permet de savoir combien d’entre elles pourraient êtres mises en difficulté par la future situation. Très concrètement, Xerfi estime à 11,4 % la part des entreprises d’optique possiblement « fragilisées » par le déploiement du 100 % Santé. Dans le détail, ce sont celles réalisant un chiffre d’affaires de moins de 500 000 euros et ayant depuis deux ans un résultat net inférieur à 2 %. Affinées, les données de Xerfi établissent que dans ces 11,4 %, on trouve 8,1 % des entreprises enregistrant un CA entre 200 000 et 500 000 euros, les 3,3 % restants étant sous la barre des 200 000 euros. Commentant ces chiffres, peut-être les plus sensibles de l’étude, la direction du ROF insiste sur l’importance du choix des mots : « Fragilités, situations de vulnérabilité... cela ne signifie pas forcément des fermetures de magasins, loin de là. Cela indique avant tout que ces quelque 11 % de sociétés vont devoir évoluer. Tout l’enjeu c’est l’adaptation pour perdurer ».

Troisième facette intéressante de l’étude : l’impact financier de la réforme sur les organismes complémentaires. Sur cette question, le syndicat confirme ce que beaucoup pressentaient : « Le 100 % Santé en optique finance la réforme en audio et en dentaire, notamment pour le régime complémentaire ». Pour étayer son constat, le ROF met en avant plusieurs chiffres : « Le surcoût des offres 100 % Santé n’est que de 12,2 millions d’euros pour les Ocam par rapport aux remboursements actuels. La baisse du plafond de remboursement des montures dans les contrats responsables représente une économie potentielle de 289 millions d’euros pour les complémentaires. La baisse globale de remboursement par les Ocam des équipements optiques sera potentiellement de 350 millions d’euros. C’est un montant supérieur à leur effort global de 250 millions d’euros sur les trois secteurs (optique, audio, dentaire) selon le ministère de la Santé », détaille une note du syndicat en annexe à l’étude Xerfi. Cette mise en regard vient évidemment contrecarrer l’argumentaire des complémentaires qui se posent en financeurs principaux de cette réforme. Or pour Xerfi et le ROF il ne fait pas de doute que « cette réforme est clairement supportée par les opticiens » et, au-delà, par l’ensemble de la filière.

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