Lundi dernier, à l’initiative de la FNOF, se tenait à Paris une journée d’informations très dense qui aurait mérité une participation plus soutenue des opticiens. Plus encore que le RAC 0, « une réforme qui ne doit pas tout occulter » selon le syndicat, c’est avant tout la question de l’avenir du métier qui doit retenir l’attention.

Ouvrir le champ de vision. Regarder au-delà des affaires courantes. Voir plus loin que la seule réforme RAC 0 qui, même si c’est le dossier chaud du moment, « ne doit pas occulter tout le reste », sans doute encore plus important. « Il faut voir au-delà du RAC 0. La profession a une chance historique. Si l’opticien ne la saisit pas, alors d’autres le feront à sa place », a déclaré Alain Gerbel à l’occasion d’une journée d’informations, comme toujours ouverte à la presse. Si le syndicaliste n’oublie évidemment pas les préoccupations de l’heure (il se dit à la manoeuvre pour enrayer certaines « dispositions iniques » de la réforme), il veut avant tout se projeter. Et le plus loin possible. Cela tient à sa conviction profonde : anticiper est, après la défense des intérêts de ses adhérents, la principale mission d’un syndicat. Cette notion d’anticipation est primordiale si l’on veut comprendre les actions que le président de la FNOF impulse ou soutient depuis des années et qui, assure-t-il, sont proches de se concrétiser. Des actions de longue haleine, « chronophages » insiste-t-il comme pour justifier son mandat, et qui forment un tout cohérent.

Quelles actions ? L’universitarisation dès 2019 des formations paramédicales qui s’articulera, dans une phase prochaine, à la réingénierie du diplôme d’opticien en vue d’assoir demain l’expertise requalifiée de l’opticien. Mais aussi et surtout, la masterisation est en vue. Elle apparaît comme la clé de voûte d’un futur exercice libéral de la profession que M. Gerbel appelle vivement de ses voeux : « Il y a là une formidable ouverture sur ce que sera le métier demain avec de nouveaux modes de rémunération correspondant à de nouvelles pratiques ». Car l’enjeu-clé, selon le représentant de la FNOF, c’est bien la question de ce qu’on appelle « les pratiques avancées ». « Libres à ceux qui veulent travailler comme aujourd’hui de continuer, ironise-t-il. Mais je crains qu’à un moment ils ne soient dépassés, sans compter qu’ils subiront une pression sans cesse grandissante et des marges de manoeuvre toujours plus réduites. Non, l’avenir de l’opticien est ailleurs, dans d’autres compétences et d’autres formes d’organisation », se projette le président de la FNOF, persuadé que les notions de professionnel de santé et de proximité ont fortement partie liée. Le maillage territorial de la profession c’est en quelque sorte son atout-maître. Dans l’idée d’Alain Gerbel, cet ailleurs passe en effet par la transversalité et les soins coordonnés localement. Et dans cette perspective, le magasin de l’opticien pourrait être idéalement « le futur socle de la maison de santé de demain, accueillant d’autres paramédicaux pour faciliter l’accès aux soins à toutes les populations », imagine non sans intérêt le porte-parole du syndicat. Voilà pourquoi il participe en parallèle à l’élaboration d’une nouvelle convention collective qui puisse intégrer les pratiquées avancées et les modalités d’exercice qui pourraient bientôt voir le jour… Tout est lié, n’aura de cesse de répéter le porte-voix de la FNOF lors de cette réunion qui faisait la pédagogie d’une vision d’ensemble tout en appelant à l’engagement syndical des opticiens. 

Parler du devenir de l’opticien, c’est en effet s’adresser à la jeune génération (la moyenne d’âge des salariés, a rappelé M. Gerbel, ne dépasse pas 30 ans…), la principale concernée. Or que voit-on ? « Que les plus jeunes des opticiens sont trop peu investis », déplore Alain Gerbel. « Comment les mobiliser ? Comment les impliquer ? Ils doivent savoir que les professions qui connaissent des difficultés sont celles où la syndicalisation n’est pas assez forte ». Il ne juge personne, simplement il constate. Plus que d’amertume, c’est semble-t-il une réelle source d’inquiétude pour lui. D’où son exaspération quand il prend à témoin l’auditoire clairsemé : « Où sont-ils aujourd’hui, un lundi, les 6 000 opticiens qui se trouvent à 50 km dans les environs ?! » De fait, dans la salle, il n’y avait guère qu’une centaine d’opticiens au plus fort de la journée alors que la réunion était ouverte à tous, syndiqués ou non. Un homme en colère est, quelquefois, un homme préoccupé.

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